À travers les événements monstrueux: histoire et fonction du film catastrophe

« Dieu est extrêmement occupé. Ce que je crois, c’est qu’il a un plan pour l’humanité à très long terme, un plan qui nous dépasse tous. Aussi il ne me semble pas raisonnable d’espérer qu’il s’occupe de chacun de nous en particulier. L’individu n’est important que dans la mesure où il crée le lien entre le passé et l’avenir – dans ses enfants, ou dans ses petits-enfants, ou dans la contribution qu’il apporte à l’humanité. C’est pourquoi… ne priez pas Notre Seigneur pour qu’il résolve vos problèmes. Priez cette partie de Dieu qui est en vous. » – sermon du révérend Scott (Gene Hackman) dans L’aventure du Poséidon

Si l’appellation de « catastrophe-fiction » peut paraître hasardeuse, je ne me suis permis de franciser l’expression disaster fiction qu’à l’aune du constat que nous autres Français ne sommes pas aussi férus de cette littérature que nos voisins anglo-saxons. Ou tout du moins, pas du genre – ou sous-genre, ou épigenre, je vous laisse débattre ce point de détail – en tant que tel. Pas assez pour que, tandis qu’on parle de films catastrophes, on s’obstine à ranger leurs pendants littéraires (qui les ont inspirés, dans la grande majorité des cas) dans des catégories plus génériques.

La disaster fiction est donc à la littérature ce que le film catastrophe est au cinéma, et un coup d’œil rapide sur Goodreads vous apprendra que le genre est plus florissant que jamais.

La mauvaise presse dont elle pâtit explique sans doute que la catastrophe-fiction peine à être considérée sérieusement, en particulier en France – ce alors que l’Hexagone a toujours embrassé le post-apocalyptique à bras ouverts. Évidemment, pour le grand public, le genre se résume souvent aux superproductions américaines ineptes dans lesquelles il se décline aujourd’hui à de très rares exceptions près. Cependant, la catastrophe-fiction n’a-t-elle pas autre chose à offrir qu’un ramassis de clichés mélodramatiques rehaussés d’images de synthèse spectaculaires ?

Avant de tenter de séparer le bon grain de l’ivraie, accordons-nous sur une pseudo-définition  : la catastrophe-fiction a pour objet un ou plusieurs personnages précipités au milieu d’événements désastreux et s’efforçant de survivre. Bien sûr, cette définition ne saurait suffire à le délimiter le genre, car elle couvrirait alors pléthore d’œuvres auxquelles personne ne songerait à accoler le mot « catastrophe », qu’il s’agisse d’Autant en emporte le vent ou du Seigneur des anneaux. Alors, qu’est-ce qui distingue la catastrophe-fiction de ses pairs – voire ses géniteurs – cinématographiques ou littéraires ? Dans cette préface, qui traite du genre à la fois au cinéma et dans la littérature, j’emploierai l’expression « catastrophe-fiction » pour évoquer le genre de manière générale, tandis que je m’en tiendrai à disaster fiction ou littérature de DF pour sa forme littéraire.

Il convient en premier lieu d’examiner sa genèse, qu’on peut retracer à une année  : 1912.

L’année du naufrage du Titanic.

« Je n’ai jamais été impliqué dans le moindre accident, du moins aucun digne d’être mentionné. » – Edward J. Smith, capitaine du Titanic, 1907

En 1904, un autre naufrage avait déjà endeuillé New York  : celui du General Slocum, au cours duquel périrent 1021 personnes, la catastrophe la plus meurtrière de l’histoire new-yorkaise avant les attentats du 11 septembre 2001. Si le pédigrée de ses passagers a joué pour beaucoup dans le retentissement médiatique autour du naufrage du Titanic huit ans plus tard (à bord du Slocum se trouvaient principalement des immigrants pauvres), l’autre raison pour laquelle la tragédie a marqué les mémoires est qu’il s’agit, et on l’oublie souvent, de la première grande catastrophe de l’ère du cinématographe… et de son industrie balbutiante.

Or, on la sait sans pitié  : un mois seulement après le naufrage sort aux États-Unis le film Saved from the Titanic. Il s’agit, toutes proportions gardées pour l’époque, de l’un des premiers blockbusters, autant que – hé oui – de l’un des tout premiers films catastrophes. Aujourd’hui perdu, il n’en reste pas moins le précurseur d’une longue série d’œuvres consacrées au paquebot réputé insubmersible et avait pour particularité d’être interprété par nulle autre que l’une des survivantes du naufrage, l’actrice Dorothy Gibson. On entrevoit déjà dans cet entremêlement de la réalité et de la fiction l’un des traits essentiels du genre, si ce n’est son socle. De fait, durant les décennies suivantes, Hollywood se concentre principalement sur des désastres historiques – le tremblement de terre de San Francisco de 1906 (San Francisco), le grand incendie de Chicago (L’incendie de Chicago) ou l’éruption du Vésuve (Les derniers jours de Pompéi) – à l’exception notable de Déluge et King Kong, tous les deux sortis en 1933 et mettant en scène le ravage fictif de New York. Il est intéressant de noter que la ville se prévaut d’ores et déjà d’une proéminence symbolique dans le genre qui nous intéresse ; phare de la civilisation occidentale autant qu’expression suprême de la prétention impérialiste, New York occupe encore aujourd’hui une place prépondérante dans la catastrophe-fiction.

À partir des années 1950, le genre se métamorphose, cristallisant dans son itération apocalyptique les inquiétudes de la Guerre froide. Du Jour où la Terre s’arrêta à Docteur Folamour en passant par Dernier Rivage, la survie de quelques hommes se confond peu à peu avec la survie de l’humanité, conférant à la catastrophe-fiction une portée plus universelle et un propos plus sérieux. La littérature n’est pas en reste, puisqu’on doit à John Wyndham les romans Le jour des triffides et Les coucous de Midwich, tous deux adaptés en films à succès. Toutefois, les œuvres produites durant cette époque n’expriment pas seulement la peur du futur ; elles révèlent aussi une autre fonction cruciale de la catastrophe-fiction, à savoir exorciser les traumatismes du passé. C’est particulièrement évident dans Godzilla, plus subtil dans la nouvelle Les oiseaux de Daphné du Maurier, évocatrice des bombardements en Angleterre durant la Deuxième Guerre mondiale.

Le problème de ce glissement allégorique réside dans son interdépendance au contexte politique et social ; de fait, la détente amorcée par Richard Nixon en 1969 incite le genre à délaisser le cataclysme global pour revenir aux sources… pour le meilleur et pour le pire.

« Ce chaos ardent, c’était le petit monde dans lequel j’avais vécu en sécurité pendant des années. » – H.G. Wells, La guerre des mondes

Les années 1970 sont considérées comme l’âge d’or du genre. Les films Airport (1970), L’aventure du Poséidon (1972) et La tour infernale (1974) en représentent la Sainte Trinité, un véritable cahier des charges du film catastrophe moderne  : désastre d’envergure épique, multiplicité des arcs narratifs et approche moralisatrice. Il est intéressant de souligner que ces trois films sont des adaptations d’œuvres littéraires – Airport par Arthur Hailey, L’Aventure du Poséidon par Paul Gallico et La Tour par Richard Martin Stern, respectivement. Attaque de requin (Les Dents de la Mer, 1975 – l’auteur du roman, Peter Benchley, écrira un autre roman dans la même veine, La Bête, plus tard également adapté en téléfilm), invasion d’abeilles (L’inévitable catastrophe, 1978), avalanche meurtrière (Avalanche, 1978), tempête dévastatrice (L’ouragan, 1979), tremblement de terre (Tremblement de terre, 1974), écrasement d’astéroïde (Meteor, 1979)… Si les œuvres produites durant cette décennie bénéficient d’une production souvent opulente (distribution prestigieuse, effets spéciaux de qualité, réalisateurs de renom), la plupart se cantonnent à des scénarios convenus, ce qui explique sans doute la lassitude des audiences pour le genre dès le début des années 1980.

Cet âge d’or mort-né de la catastrophe-fiction au cinéma engendre parallèlement l’essor de la littérature de DF, à laquelle Le marteau de Lucifer de Larry Niven et Jerry Pournelle et surtout l’excellent Bruits de fond de Don DeLillo donnent ses lettres de noblesse. Durant les deux décennies suivantes, le genre ne survivra d’ailleurs en tant que tel qu’à travers la littérature – anglo-saxonne principalement. Au cinéma, exception faite de quelques entrées sporadiques (pour certaines très intéressantes, telles que The Day After ou Appel d’urgence), il finit par se fondre presque entièrement dans la science-fiction, laquelle bénéficie désormais de moyens de production phénoménaux et de l’avancée des techniques d’effets visuels. On peut imputer cette hybridation à deux réalisateurs iconiques de la fin des années 1990, Roland Emmerich (Independence Day) et Michael Bay (Armageddon), souvent crédités comme les hérauts modernes du film catastrophe. De fait, en dépit de blockbusters honteux, il faut bien reconnaître que le tandem demeure la bouée de sauvetage du genre ; de tentatives malheureuses de le ressusciter (Le Pic de Dante, Daylight) en productions parfaitement indigentes (Volcano, Deep Impact), le film catastrophe prend l’eau. Constat d’autant plus amer que James Cameron a magistralement prouvé avec Titanic que tout est encore à imaginer – ou, dans ce cas précis, à réinventer – et que le cinéma indépendant lui-même démontre qu’il peut tirer son épingle du jeu (Last Night). Lorsque la littérature commence de son côté à lorgner le post-apocalyptique (citons La parabole du semeur d’Octavia E. Butler), tout espoir d’un renouveau de la catastrophe-fiction pour la fin du millénaire s’éloigne définitivement.

Après des débuts timides, l’ère de l’atome, un âge d’or boulimique, vingt ans de presque traversée du désert et une tentative de retour en demi-teinte, on doit l’entrée de la catastrophe-fiction dans son sixième âge au Titanic de notre siècle  : les attentats du World Trade Center.

« Les événements monstrueux sont semblables à des mutations. » – Robert Pinsky (Imagination and Monstrosity, in Literature after 9/11)

Nous l’avons vu, la réalité et la fiction jouissent d’une intertextualité particulière dans la catastrophe-fiction, qu’il s’agisse relectures de tragédies historiques ou d’histoires situées dans le territoire de l’hyperbole. À ce titre, le 11 septembre 2001 fait figure de jalon paroxystique pour l’Histoire comme pour le genre. Des millions de personnes ont assisté ce jour-là au même film catastrophe diffusé sur toutes les chaînes. Un film qui n’en était pas un.

Si je n’hésite pas à comparer le World Trade Center au Titanic de notre ère, c’est parce que les deux tragédies ont pour point commun le voyeurisme dont elles ont fait l’objet. L’effondrement des tours jumelles a été filmé en direct, sous tous les angles, des heures durant. L’envergure d’une catastrophe, on le sait, ne se résume pas au nombre de victimes, mais à son traitement par les médias ; si les documentaires de Nat Geo veulent faire croire que toutes les tragédies se valent, personne n’est dupe  : lorsqu’elles frappent un pays du tiers-monde, c’est bien souvent dans l’indifférence générale (en 1987, le naufrage de la Doña Paz, l’un des plus meurtriers de l’histoire en temps de paix, faisait autant de victimes que le 11 septembre 2001).

Ce n’est pas un hasard si l’étymologie grecque du mot catastrophe est « renversement »  : elle marque le passage d’un ancien monde à un nouveau où les codes ont changé et les anciennes règles ne s’appliquent plus. L’entrée dans le nouveau millénaire marque le commencement d’une nouvelle ère, celle du combat à la déloyale (terrorisme d’un côté, drones de l’autre), mais aussi et surtout celle de l’empathie de masse. Or, l’empathie gomme les distances autant que la distanciation, remplace les chiffres par l’inquantifiable et les faits par des visages, des corps tombant dans le vide, des tragédies en instantané propres à imprégner les rétines et les mémoires.

Paradoxalement, elle « dilue » aussi en quelque sorte les traumatismes  : les images choquantes se succèdent à un rythme trop effréné pour nous laisser le temps d’en appréhender l’horreur ou susciter une réelle compassion, chacune cédant rapidement sa place à la tragédie suivante, au prochain fait-divers abominable. Une autre catastrophe. Un autre attentat. Une autre tuerie sordide.

En examinant les œuvres de catastrophe-fiction des années 2000 à nos jours par ce prisme, on comprend mieux comment le genre a fini par se retrouver réduit à une toile de fond, à un trope prétexte au déploiement d’images de synthèse toujours plus étourdissantes. Car, hélas, c’est bien là sa fonction actuelle  : étourdir, endormir, étouffer le spectateur dans la surabondance.

Les dernières propositions véritablement respectueuses des codes du genre (Le jour d’après, La submersion du Japon, Cloverfield) sont vite supplantées par une production cinématographique atteignant des paroxysmes de ridicule. Quand sort Man of Steel, on s’indigne des dégâts occasionnés par Superman lors de sa confrontation finale avec Zod ; alors, trois ans plus tard, on invente dans Batman v Superman des quartiers d’affaires littéralement désertés après les heures de bureau afin que Snyder puisse satisfaire à ses marottes masturbatoires sans s’attirer les foudres des critiques…

Si le genre « pur » se fait rare au profit d’un décorum catastrophique devenu partie intégrante du blockbuster moderne (je ne m’abaisserais pas à énumérer ces innombrables remakes dopés aux batailles épiques, destructions massives et autres prétextes à un bukkake d’images de synthèse), il livre occasionnellement quelques bijoux, depuis The Host à Attack the Block en passant par le plus hermétique mais non moins sensationnel Melancholia (personne n’a jamais mis en images la dépression de manière plus juste que dans cette œuvre). D’autres films moins réussis se fendent ça et là d’efforts louables, à l’instar du spectaculaire écrasement d’avion filmé en plan séquence dans Prédictions. L’orgie de catastrophes dépeinte dans 2012 résonne cependant comme un chant du cygne. De leur côté, même dotées de moyens plus conséquents, les séries se prêtent timidement à l’exercice. La faute entre autres à un format qui ne se prête pas à la catastrophe comme clé de voûte narrative, mais pas uniquement. Ainsi, la nouvelle mouture de V, en dépit d’une production encourageante, ne dépasse pas l’approche traumatisante des attentats du World Trade Center. A contrario, la magistrale séquence de dix minutes ouvrant The Winds of Winter, l’épisode final de la sixième saison de Game of Thrones, en livre une relecture en miroir stupéfiante – signe d’un glissement du genre dans le territoire de la fantasy ?

Quel état des lieux dresser de la catastrophe-fiction aujourd’hui ?

Du côté des salles obscures, la tendance semble au retour aux valeurs sûres, qu’il s’agisse de désastres iconiques (Pompéi, Godzilla, San Andreas) ou de catastrophes d’actualité (The Impossible, Sully), dans un esprit peut-être plus optimiste qu’auparavant. Suivant une tendance amorcée dès la décennie précédente, la littérature continue pour sa part de se préoccuper davantage des recommencements sur fond post-apocalyptique que des catastrophes elles-mêmes, qu’il s’agisse de La route de Cormack McCarthy ou de la corne d’abondance des dystopies adulescentes. Quoiqu’une poignée d’auteurs demeurent fidèles au genre (Nancy Kress avec l’excellent Yesterday’s Kin, Frank Schätzing avec son très sérieux quoique confondant d’absurdité Abysses), le mot d’ordre semble bel et bien tabula rasa. Cheminement intéressant s’il en est puisqu’il dénote d’une vision pour le moins cynique de l’être humain tout en reconnaissant à l’humanité sa légitimité à survivre – où peut-être est-ce l’inverse… Après tout, auquel des deux renvoie exactement le qualificatif « survivalist » apposé à ces lendemains qui déchantent ?

Contrairement au cinéma, inféodé à l’image, la littérature peut, par le truchement des points de vue, se distancier de l’horreur et susciter un élan de compassion universel, épuré des biais individuels. Raison sans doute pour laquelle des classiques tels qu’Orgueil et préjugés, Moby Dick ou Au cœur des ténèbres sont intemporels. Parce que leurs auteurs confèrent aux personnages suffisamment d’aspérités pour que toute empathie soit évacuée de la lecture. Parce qu’ils explorent les plus intimes contingences inhérentes à l’être humain et que dans la tourmente, que celle-ci soit l’apanage d’amours contrariées ou de la folie destructrice des hommes ou de la nature, l’humain est rarement beau à voir.

Et les héros ne sont jamais là où on croyait les trouver…

« C’est la nature humaine, non ? On se protège les uns les autres. » – Jack Buzzi, habitant du New Jersey qui sauva six de ses voisins de la montée des eaux durant l’ouragan Sandy en 2012

J’admets avoir un faible pour l’expression « événements monstrueux ». L’étymologie de monstre, du latin signifiant « montrer », définit parfaitement la fonction majeure du genre : montrer les hommes et les femmes tels qu’ils sont, avec leurs failles, leurs dilemmes et leurs peurs, mais aussi leurs ressources insoupçonnées, leur opiniâtreté et leur courage.

De ce point de vue, la catastrophe-fiction affectionne tout particulièrement les héros accidentels. Non que les héros de carrière soient laissés pour compte puisque la police, l’armée, les pompiers et le corps scientifique et médical y tiennent toujours une place prépondérante – même si, à l’instar des personnages de Brume de Stephen King, on les dépeint parfois comme moins héroïques qu’ils ne sont supposés l’être. Il n’en demeure pas moins que les héros par accident, ceux que les Anglo-saxons nomment everyday heroes, sont davantage mis en exergue et pour cause : ce qui les rend intéressants, « relatable » comme disent les pontes hollywoodiens, c’est qu’ils ont mené leur vie de telle façon qu’ils n’aient jamais à devoir se comporter en héros – ou en lâches, d’ailleurs ; jusqu’à ce que la catastrophe s’abatte sur eux, ils s’évertuent à éviter les dangers et se protéger eux-mêmes. Après l’événement météoritique de Chelyabinsk en 2013, un chroniqueur soulignait malicieusement qu’en Russie, « c’est l’espace qui vous explore » ; il en va de même avec les héros par accident  : ils explorent la vie jusqu’au jour où c’est la vie qui les explore sans crier gare…

Ces héros de tous les jours sont indissociables de la catastrophe-fiction. Ils incarnent la lueur d’espoir au milieu des ténèbres, la croyance tenace qu’en dépit de l’effondrement d’un monde, ce qui fait de nous des êtres humains survit. Ce que les événements monstrueux nous apprennent, c’est qu’il y a toujours une raison de vivre, ou au moins d’endurer pour voir le lendemain (Lune inconstante de Larry Niven et plus encore son adaptation télévisuelle par Brad Wright pour les besoins de la nouvelle mouture de The Outer Limits en sont des exemples canoniques).

Et finalement, c’est peut-être la fonction suprême de la catastrophe-fiction  : nous rappeler que ce n’est pas de fiction dont il est question et que les événements monstrueux n’arrivent pas qu’au cinéma. Les dilemmes moraux auxquels ces personnages doivent faire face (et auxquels rien ne les a préparés, dans le cas des héros accidentels) pourraient bien être les nôtres demain dans une situation catastrophique. Des milliers de gens à travers le monde vivent aujourd’hui avec non seulement le traumatisme d’événements monstrueux qu’ils ont réellement vécus, mais parfois aussi de la culpabilité – celle de ne pas être retourné aider des passagers piégés après s’être échappé de la carcasse d’un avion en flammes ou de ne pas avoir sauté dans le fleuve en crue pour sauver un enfant de la noyade. Demain, nous pourrions être amenés à partager l’angoisse de ces gens. Quoi de mieux que la catastrophe-fiction pour nous y préparer ? Voire simplement nous éviter de trop y penser ?

Pour conclure sur une note optimiste, une étude de l’université de Yale porte à croire que si l’être humain doit bel et bien faire un effort conscient pour réprimer ses pulsions les moins reluisantes, il a néanmoins tendance dans un contexte stressant à se montrer spontanément coopératif et altruiste. Mieux, il s’agirait non d’un comportement délibéré, mais bien d’une réaction instinctive induite par l’habitude : en prenant soin des autres au quotidien (et c’est là que l’expression everyday heroes prend tout son sens), on programme son instinct à réagir de la sorte quand tout part à vau-l’eau.

Autrement dit, par défaut, nous sommes programmés pour nous serrer les coudes, nous protéger les uns les autres.

Une perspective plutôt optimiste pour l’humanité.

« We built this world together, we lived in here together
And shared the fun together, bore the sorrows all together » – Sonata Arctica, The Day

Addendum du 10/5/2020
Je vous recommande la lecture de ce fascinant article paru hier (en anglais): The real Lord of the Flies: what happened when six boys were shipwrecked for 15 months